Un outil divinatoire pensé dès l’origine

Le Tarot d’Étteilla est le premier tarot conçu uniquement pour la divination, bien avant les adaptations ésotériques du Tarot de Marseille. Contrairement aux tarots traditionnels d’origine ludique, le jeu d’Étteilla est entièrement repensé, tant dans sa structure que dans son iconographie, pour répondre à cette fonction divinatoire.

En 1770, Jean-Baptiste Alliette publie un premier jeu appelé aujourd’hui le Petit Étteilla, , sous le titre exact :

“Etteilla, ou manière de se récréer avec un jeu de cartes”

C’est le tout premier ouvrage connu de Jean-Baptiste Alliette, dans lequel il décrit une méthode de divination avec un jeu de 32 cartes ordinaires (jeu de piquet). Il y associe déjà :

• Des mots-clés à chaque carte (droit / renversé),
• Des interprétations psychologiques ou événementielles,
• Une méthode de tirage simplifiée.

C’est avec le Grand Étteilla ou Livre de Thot qu’il donne toute sa mesure. Publié entre 1785 et 1789, ce tarot de 78 cartes revisite entièrement la structure classique :

• 22 arcanes majeurs, numérotés de manière non traditionnelle : la première lame n’est pas le Bateleur mais le Chaos, symbolisant l’origine du monde. Les thèmes abordés sont abstraits et initiatiques : Naissance, Repos, Magie, Fatalité, Chute, Espérance…
• 56 arcanes mineurs : divisés en quatre séries (Bâtons, Coupes, Épées, Deniers), allant de l’As au 10, accompagnées des figures traditionnelles (Roi, Reine, Cavalier, Valet).

Chaque carte est annotée de mots-clés à l’endroit et à l’envers, parfois accompagnés de correspondances astrologiques ou alchimiques. Cette structure permet une lecture immédiate et intuitive, même pour les non-initiés.

Le tarot d’Étteilla est conçu comme une cosmogonie complète, inspirée des traditions hermétiques, de l’Égypte fantasmée et des mystères antiques. Il prétend rétablir le Livre de Thot, un ouvrage mythique attribué au dieu égyptien de la sagesse, de l’écriture et de la magie.

Il introduit des concepts comme :

• La Naissance du Monde,
• L’Homme et la Femme en tant que principes premiers,
• La Religion, la Magie, la Fatalité,
• Des figures abstraites comme le Repos, le Plaisir, l’Espérance, la Mort ou la Chute d’un Homme.

Le tarot devient ainsi un miroir de l’âme, un outil d’enseignement des lois universelles, plus qu’un simple instrument de prédiction.

Après la mort d’Étteilla en 1791, la Société des Interprètes du Livre de Thot continue son travail, publiant plusieurs versions révisées du Grand Étteilla, notamment par les maisons Grimaud et Dusserre au XIXe siècle. Ces versions popularisent le tarot ésotérique en France et influencent durablement des figures majeures comme Papus, Oswald Wirth ou encore Eliphas Lévi.

Certaines réinterprétations modernes sont appelées Grand Étteilla I, II ou III, selon leur lignée ou leur fidélité au modèle original.

Une vocation purement divinatoire, pensée dès la conception :

• Un jeu conçu exclusivement pour la divination, sans passé ludique.
• Des mots-clés explicites facilitant l’interprétation, même par les débutants.
• Une iconographie allégorique et symboliste, souvent abstraite, à mi-chemin entre l’alchimie, la kabbale et l’hermétisme.
• Une méthode de tirage codifiée, comme le fameux Tirage des Trois Marches, permettant une lecture à plusieurs niveaux.

Le Tarot d’Étteilla reste aujourd’hui une référence majeure pour les passionnés d’ésotérisme, non seulement par sa place historique, mais aussi par la richesse de son symbolisme et la cohérence de sa vision du monde.