Carte 1 : Le Chaos
Sens droit :
- Commencement flou, mais riche en potentiel
- Nécessité de faire confiance à l’invisible
- Rupture bénéfique, phase de gestation
Sens renversé :
- Confusion stérile, chaos subi
- Peur de l’inconnu, dispersion mentale
- Inertie, impossibilité de canaliser l’énergie
Le Chaos : l’origine de tout sans forme
La première carte du Grand Étteilla ne représente ni figure humaine, ni scène reconnaissable.
Le dessin est sombre, instable, traversé de formes imprécises. On y perçoit parfois des spirales, des masses confuses, des émanations flottantes. Rien n’est défini, et c’est justement le message :
Nous sommes dans le monde d’avant le monde, dans l’indifférencié visuel.
Ce flou visuel incarne parfaitement l’essence de la carte : aucune direction, aucune figure, mais une charge énergétique immense, prête à s’organiser.
Elle est un vertige. Le Chaos, c’est l’état d’avant la création, d’avant toute différenciation. C’est l’informe, le néant habité, la source non encore manifestée.
Le Chaos primordial : matrice du possible
Le mot « chaos » vient du grec khaos, qui désigne une béance, un abîme, une ouverture infinie. Ici, il ne s’agit pas du désordre au sens moderne, mais d’une potentialité pure, un état d’avant les formes.
Dans les cosmogonies antiques (gréco-romaines, égyptiennes, hébraïques), le chaos précède toujours l’ordre. Il est la matrice obscure, le limon cosmique, l’océan primordial d’où jailliront la lumière, la forme, la conscience.
Le Chaos n’est pas à craindre : il est à reconnaître comme le sol instable mais fertile de toute création.
Jour de création : aucun
La carte 1 ne correspond à aucun jour de la création dans la Genèse. Et pour cause : elle représente l’avant-création, le zéro absolu, le silence d’avant le Verbe. Dans la logique d’Étteilla, la création active ne commence qu’à la carte 2. Ici, rien n’est encore né, mais tout est déjà là, en gestation.
Élément : aucun, ou tous en puissance
Le Chaos ne relève d’aucun élément en particulier. Il les contient tous à l’état latent. Il est comparable à la materia prima alchimique, ou à l’éther : substance originelle, indistincte, créatrice. Le Chaos est le creuset du monde, le réservoir de toutes les formes à venir.
Signe astrologique : Bélier
Sur certaines versions du Grand Étteilla, on observe le symbole du Bélier sur la carte. Ce n’est pas un hasard :
Le Bélier est le premier signe du zodiaque, le jaillissement initial, l’impulsion vitale.
Il symbolise le feu brut, la poussée d’existence, la volonté de manifester.
Le Chaos est donc animé par cette tension intérieure de naissance, par ce désir de surgir. Il n’est pas inerte, mais chargé d’un feu contenu.
Lecture kabbalistique : l’Aïn
Dans la Kabbale, la création commence par l’Aïn, le néant sacré, suivi par l’Aïn Soph (l’infini) et l’Aïn Soph Aur (la lumière infinie). Le Chaos correspond à ce retrait divin initial, ce silence sacré.
C’est le vide nécessaire pour que la création puisse avoir lieu. Le Chaos n’est donc pas un manque, mais un espace d’accueil, une matrice mystérieuse du sens.
Carte du Consultant
La carte 1 – Le Chaos est également utilisée dans de nombreuses variantes du Grand Étteilla comme carte du Consultant.
C’est un choix fort : il ne s’agit pas de commencer par une identité figée (roi, reine, valet…) mais par un état d’être ouvert, non déterminé, prêt à recevoir une direction.
En ce sens, le Consultant est celui qui :
- Se trouve dans une phase d’incertitude ou de transformation
- Porte en lui toutes les potentialités du tirage
- Se situe au seuil de l’histoire, dans une position de veille ou de gestation
Cela renforce l’idée que chaque tirage est une émergence depuis le Chaos, et que le rôle du tarologue est d’aider à structurer cette énergie, à faire émerger du sens.
En synthèse
Le Chaos n’est pas le contraire de l’ordre : il en est l’origine souterraine.
Tirer cette carte, c’est entendre :
« Avant que tu bâtisses, accepte de ne pas savoir. Deviens le vide où l’univers veut naître. »
