Quand le ciel se lit dans les cartes
Lire son Horoscope, c’est lever les yeux vers le ciel.
Tirer une carte du Tarot, c’est plonger dans son monde intérieur.
Et pourtant, ces deux gestes partagent une même origine : la quête de sens.
Jean-Baptiste Alliette, dit Étteilla, fut le premier à unir ces deux langages, celui des étoiles et celui des symboles, en un système cohérent. Son Tarot, le Livre de Thot, est plus qu’un jeu divinatoire : c’est une véritable carte du cosmos, une traduction visuelle de l’ordre céleste.
Étteilla, astrologue avant d’être tarologue
Avant de créer le premier tarot conçu pour la divination, Étteilla enseignait l’astrologie et la Numérologie à Paris. Il observait les correspondances entre le ciel et la destinée humaine, convaincu que tout dans l’univers obéit à une même harmonie.
Son ambition était immense :
“Réunir dans le Livre de Thot toute la philosophie du monde : astrologie, cabale et éléments y sont joints.” (Cours théoriques et pratiques du Livre de Thot, 1790)
Le tarot d’Étteilla naît donc de cette vision globale : un instrument pour lire les influences célestes à travers des images, où chaque carte devient l’écho d’une constellation, d’une planète, ou d’un principe naturel.
Les douze premières cartes majeures et les signes du Zodiaque
L’un des aspects les plus étonnants du Grand Étteilla est que les douze premières lames majeures correspondent aux douze signes du Zodiaque. Cette architecture, unique dans l’histoire du tarot, traduit l’idée que la roue du ciel s’incarne dans la roue des cartes.
| Signe | Carte | Thème symbolique |
|---|---|---|
| Bélier | 1 – Le Chaos | Énergie du commencement, feu créateur |
| Taureau | 2 – Maçonnerie d’Hiram | Construction, persévérance |
| Gémeaux | 3 – Ordre des Mopses | Langage, curiosité, réseau |
| Cancer | 4 – La Piscine | Mémoire, purification, émotions |
| Lion | 5 – L’Évangile | Rayonnement, transmission, noblesse |
| Vierge | 6 – Le Ciel | Clarté, discernement, loi naturelle |
| Balance | 7 – Le Serpent | Équilibre, tentation, lucidité |
| Scorpion | 8 – Ève | Transformation, désir, connaissance |
| Sagittaire | 9 – Salomon | Sagesse, justice, vision du monde |
| Capricorne | 10 – L’Ange de l’Apocalypse | Rigueur, responsabilité, révélation |
| Verseau | 11 – David | Innovation, foi, courage créateur |
| Poissons | 12 – Moïse | Intuition, foi, dissolution des limites |
Cette correspondance entre lames majeures et signes du zodiaque est détaillé dans l’article De l’horoscope au tarot Etteilla : une lecture symbolique du jour.
Chaque carte incarne le climat d’un signe, non pas de manière astrologique au sens strict, mais selon une résonance symbolique. Le tarot devient ainsi le miroir de la grande roue zodiacale : une succession d’états, de passages et de métamorphoses.
Planètes, éléments et polarités : le ciel intérieur du Tarot
Les correspondances ne s’arrêtent pas aux signes.
Étteilla voyait dans son tarot un univers complet, régi par les mêmes lois que le ciel :
- les planètes (Soleil, Lune, Mars, Vénus, Mercure, Jupiter, Saturne) pour les forces spirituelles,
- les éléments (Feu, Eau, Air, Terre) pour les forces naturelles.
Chaque carte combine ces deux registres : l’énergie céleste (le signe, la planète) et l’énergie terrestre (l’élément).
Ainsi, une carte de Bâtons parle la langue du Feu, celle des Coupes celle de l’Eau ;et leur position dans un tirage reflète des climats astrologiques subtils : un excès d’eau, une tension d’air, une poussée de feu.
Ce double système, zodiacal et élémentaire, permet une lecture « vivante » du tarot, où les cartes dialoguent entre elles comme les astres dans un thème.
Le zodiaque comme cycle initiatique
Chez Étteilla, les douze signes du Zodiaque ne sont pas seulement des repères astrologiques : ils figurent les douze étapes de l’expérience humaine.
Du Chaos (Bélier) à Moïse (Poissons), le parcours forme une spirale : celle de l’esprit qui s’incarne, agit, apprend, aime, puis s’élève vers une conscience plus vaste. Chaque lame devient alors une marche de cette ascension, un fragment de la grande symphonie cosmique.
Ainsi compris, le tarot d’Étteilla n’est pas un miroir du destin : il est le livre des correspondances entre le monde et l’âme, une clé de lecture du « Grand Oeuvre » de la vie.
Héritage : quand l’astrologie inspire les tirages modernes
Cette vision a profondément marqué les occultistes du XIXᵉ siècle :
- D’Odoucet, disciple d’Étteilla, développera le tirage astrologique en 12 maisons, véritable Carte du ciel en cartes.
- Papus, Eliphas Lévi et la Golden Dawn reprendront cette idée d’un tarot relié aux planètes, aux lettres hébraïques et aux signes du zodiaque.
Aujourd’hui encore, cette approche inspire les tirages astrologiques, les tirages selon le signe ou les lectures élémentaires. Elle rappelle qu’avant d’être un outil divinatoire, le tarot est une représentation symbolique du cosmos, un langage total.
Conclusion : Lire le ciel, écouter l’âme
L’astrologie trace les grands cycles. Le tarot en donne l’image immédiate, palpable, incarnée.
Chez Étteilla, ces deux arts se rejoignent :
- le premier montre le mouvement des astres,
- le second révèle leur écho intérieur.
Ainsi, lire son ciel ou tirer une carte n’est pas chercher une prédiction, mais une harmonie : celle du dialogue entre le monde d’en haut et le monde d’en soi.


