Un voyage carte après carte dans le Livre de Thot.

Juste après le Chaos primordial (carte 1), Étteilla place une image fondatrice : celle de la maçonnerie sacrée, sous les auspices du mythique Hiram. Derrière cette carte, c’est tout un héritage initiatique et symbolique qui se déploie, entre lumière, dualité, et quête intérieure.

La figure de Hiram Abiff provient de la tradition maçonnique. Il est présenté comme l’architecte du Temple de Salomon, chargé de transmettre un savoir sacré, mais assassiné pour avoir refusé de divulguer le « mot des Maîtres ».

Hiram devient ainsi symbole du maître fidèle, du gardien du secret, et de l’âme sacrifiée pour la vérité. Retrouver ce « mot perdu », c’est tout l’objet de l’initiation.

Dans la carte 2, Hiram ne figure pas en personne, mais tout évoque son œuvre : la construction sacrée, la symbolique du Temple, la transmission d’un ordre caché.

Le Temple de Salomon, dans la Bible, est construit pour abriter l’Arche d’Alliance. Il devient, dans toutes les traditions initiatiques, le modèle du monde ordonné.

Il représente à la fois :

• Le corps humain (temple de l’âme),
• L’univers structuré par des lois divines,
• Et le chemin de l’initié, qui bâtit pierre après pierre son propre sanctuaire intérieur.

Sans l’Arche, le Temple est vide. Sans âme, le corps est sans lumière.

L’un des éléments les plus frappants de cette carte est l’étoile étincelante qui domine la scène. Elle n’est pas là pour faire joli : elle porte un sens puissant et multiple.

Que symbolise-t-elle ?

• Dans la franc-maçonnerie, c’est l’étoile flamboyante, manifestation du « Grand Architecte de l’Univers ».
• Dans l’ésotérisme, elle représente l’étincelle divine, le Verbe créateur, la conscience éveillée.
• Dans l’alchimie, elle est semence de lumière, feu intérieur, germe d’une transmutation.

Ses rayons semblent évoquer des spermatozoïdes lumineux, une fécondation spirituelle. C’est la lumière qui vient féconder la matière, pour organiser le chaos.

Cette étoile n’éclaire pas : elle féconde. Elle transmet une impulsion vivante, un appel à bâtir en conscience.

Autre motif central : les deux enfants ou jumeaux figurant au bas de la carte. Ils sont porteurs d’une symbolique fondamentale :

• Dualité primordiale (ombre/lumière, matière/esprit, masculin/féminin)
• Colonnes du Temple (Jakin et Boaz)
• Innocence du débutant sur le chemin initiatique
• Complémentarité à réconcilier

Ils incarnent la division nécessaire à l’incarnation, mais aussi l’appel à l’unification. Car bâtir le temple intérieur, ce n’est pas ériger un mur, c’est réconcilier les forces opposées en soi.

Toute spiritualité authentique nous enseigne ceci : le monde matériel naît de la séparation.

Le Un se fait Deux : c’est la chute apparente, mais aussi la condition de toute expérience. La vie dans le monde manifesté est une épreuve de dualité : jour et nuit, haut et bas, bien et mal…

La carte 2 nous rappelle que l’initié n’est pas celui qui nie cette dualité, mais celui qui la traverse pour revenir au centre, au point d’équilibre, à l’étoile intérieure.

Le Temple de Salomon évoqué par la carte 2 est construit pour contenir quelque chose de sacré : l’Arche d’Alliance, que l’on peut résumer ainsi :

• Coffre sacré contenant les Tables de la Loi (les 10 commandements)
• Présence du Divin sur Terre
• Symbole du lien entre l’humain et le divin

Dans le contexte de la carte 2, l’Arche représente le sens profond, la lumière intérieure que le temple cherche à accueillir. Construire le Temple sans viser cette lumière, c’est bâtir du vide.

Le Taureau est mentionné explicitement :

• C’est un signe de Terre fixe, lié à la stabilité, la construction, la matière féconde.
• Il gouverne la maison II dans le zodiaque naturel, celle des valeurs, des ressources, et du corps physique.
• Le Taureau est aussi associé à la gorge, or c’est par la parole que le monde est ordonné, ce qui renvoie à l’architecte divin Hiram, qui bâtit par la connaissance du Verbe.

La carte 2 incarne donc la puissance tranquille du Taureau : bâtir lentement, mais durablement. Une force constructive, enracinée, fidèle au réel.

C’est l’élément le plus cohérent ici, par la nature même de la maçonnerie :

• La Terre représente la forme, la densité, la structure.
• Elle est le socle, la base stable, ce sur quoi tout édifice repose.
• Sur le plan spirituel, elle symbolise l’incarnation du Verbe, la descente de la lumière dans la matière, le souffle qui prend corps.

La carte 2 marque ainsi ce passage crucial entre le monde des idées et celui de la forme : le moment où l’esprit se fait structure, où l’invisible s’ancre.

Contrairement à ce que l’on pourrait attendre en comparant avec la Genèse, la carte 2 est bien associée par Étteilla au 1er jour, c’est inscrit directement sur la lame. Cela peut sembler paradoxal puisque le Chaos précède (carte 1), mais cela s’explique par une lecture symbolique propre au tarot égyptianisé d’Étteilla.

Dans la Genèse, le premier jour marque l’apparition de la lumière : « Que la lumière soit. Et la lumière fut. » (Genèse 1:3)

C’est le geste premier, celui qui sépare l’obscurité et la lumière, qui donne un axe au monde en devenir.

La Maçonnerie d’Hiram représente cet instant fondateur, non pas en tant que lumière abstraite, mais en tant que lumière mise en forme, guidée par une volonté architecturale.

L’étoile flamboyante, au sommet de la carte, est cette lumière ordonnatrice.

Le temple en construction est l’acte créateur : la première pierre posée dans le chaos.

Le « premier jour », ici, est donc le début du monde ordonné, ce n’est pas la lumière du soleil ou le sol fertile, mais la structuration de l’intention divine.

La carte 2 – La Maçonnerie d’Hiram est une invitation à bâtir avec conscience. Elle nous dit :

« Après le chaos, structure. Mais ne construis pas à l’aveugle. Souviens-toi que ce temple est fait pour contenir la lumière. Et cette lumière, elle est en toi. »